La fabrique religieuse de l'après-guerre. Pouvoir, religion et gouvernementalité de la paix en Angola

Après une guerre civile de 27 ans, terminée par le triomphe du parti au pouvoir (MPLA), l’Angola inaugure en 2002 une nouvelle phase de reconstruction post-guerre, dont le “récit dominant” envisage une réconciliation nationale et une régénération sociale et morale. C’est au même moment qu’émerge sur la scène politico-religieuse angolaise l’Église tokoïste, une Église prophétique en pleine croissance, qui revendique son engagement dans la réconciliation et sa proximité avec le gouvernement. Mon projet vise à analyser la contribution de cette Église à la reconfiguration des rapports de pouvoir dans l’après-guerre. Je propose de considérer sa doctrine et ses interconnexions politiques et historiques comme un “champ de l’autorité morale”, à savoir un dispositif de sociabilité et de discipline, qui promeut de nouvelles formes de “gouvernement de soi”. Ce dispositif est le creuset d’un nouveau “sujet moral”, qui est fidèle et citoyen à la fois et incarne le type d’homme d’un Angola pacifié. En portant le regard sur le processus de conversion, le travail de légitimation spirituelle et historique ainsi que les activités bureaucratiques et économiques de l’Église tokoïste, j’analyserai la façon dont s’affirme, dans l’Angola d’après 2002, une nouvelle économie morale de la paix, s’inscrivant dans la dynamique de “reconversion autoritaire” du régime angolais. D’une façon générale, en me démarquant des approches fonctionnalistes, instrumentalistes et institutionnelles, je m’inspire de la sociologie historique et comparée du politique, pour penser le religieux comme étant une des dimensions où se négocient la citoyenneté, l’autorité politique et la légitimité de l’État. Mon travail propose une approche qualitative, se basant sur des enquêtes ethnographiques, des observations participantes et des analyses d’archives pendant des séjours de terrain de plusieurs mois