Accueillir et prendre soin de jeunes migrants « déportables » : pratiques de l’hospitalité privée et (re)production de frontières

Alors que l’Europe connait depuis 2015 une « crise de l’accueil », de nouvelles formes de solidarité émergent pour permettre aux personnes migrantes d’avoir accès à un hébergement et de demeurer dans le pays de leur choix. Certaines associations se sont spécialisées dans l’aide et l’accueil de jeunes migrants, notamment mineurs, de plus en plus nombreux à arriver en Europe. Parmi elles, on compte des services d’hébergements chez des particuliers, et des pratiques de parrainage. Loin de simplement s’opposer à la sélection aux frontières, elles peuvent au contraire contribuer à les renforcer, ou bien les remodeler. Si les pratiques de sélection des migrants aux frontières européennes sont analysées d’un point de vue institutionnel et associatif, celles qui s’inscrivent dans des pratiques intimes et inter-individuelles sont encore à saisir.

Je mène depuis janvier 2022 un terrain ethnographique en Suisse romande et dans l’Est de la France, au moyen d’observations participantes, complétées par plus de cinquante entretiens semi-directifs. J’explore comment les frontières se logent dans l’intimité des maisons des hébergeurs, dans l’affection des relations de quasi-parentalité entre parrains, marraines et jeunes migrants. Si je décris à un niveau micro ce type d’interactions et leurs effets dans la vie des jeunes migrants, je replace à un niveau macro ces frontières de l’intime dans un contexte de sélection des migrants plus global.